Philippe Desbrosses, docteur en sciences environnementales installé à Millançay, a participé au tribunal des droits de la nature lors de la COP21.

Comment se sont déroulées les audiences de vendredi et samedi ?

« Réunis avec 13 autres juges environnementaux sous la présidence de l’avocat sud-africain Cormac Cullinan, nous avons reçu de nombreux témoins comme le chef amazonien Raoni concernant la construction d’un barrage qui va engloutir 40 % de la forêt amazonienne. La présidente brésilienne Dilma Roussef est prise de folie en donnant son accord. Elle spolie les droits des communautés concernées, elle passe outre les mises en garde de l’ONU concernant les droits de l’homme. Nous avons abordé également les gaz de schiste. Aux États-Unis, la fracturation hydraulique provoque près de 5.000 séismes par an, de 2,5 à 3,6 sur l’échelle de Richter et pollue les eaux. L’écologiste Vandana Shiva et José Bové ont plaidé contre la prolifération des OGM et de l’agriculture industrielle dans le monde. Avec les autres juges, nous sommes atterrés par ce que nous avons découvert. Et en même temps, nous partageons un très fort sentiment de fraternité. Nous avons fait quelque chose d’utile et d’urgent. Un nouveau tribunal des droits de la nature se réunira l’an prochain en Suède. L’idée est de faire évoluer la législation internationale pour faire condamner les États et les multinationales à l’origine de ses destructions environnementales. »

Quelles sont vos conclusions ?

« Les institutions privilégient les privilégiés, on criminalise les victimes plutôt que les spoliateurs. Les gouvernements sont complices des multinationales qui s’approprient le bien commun nécessaire à la survie de l’humanité et cela sur tous les continents au nom de la croissance. Aujourd’hui, tous les abus sont permis. La cause du mal est la financiarisation de la société, la folie du capitalisme sauvage. On regarde la nature sous son aspect utilitaire. Si elle n’a pas de valeur, elle est détruite ou abandonnée. Or chaque maillon forme une chaîne. Dans quelques années, quand il sera trop tard, on se rendra compte de l’utilité d’une molécule nécessaire à l’équilibre de la nature et de la survie humaine. La Terre mère doit être sauvegardée. »

Des sanctions vont-elles être prononcées ?

« Nous allons communiquer des sanctions sous la forme d’opprobre. Nous n’avons pas les outils juridiques pour contraindre les coupables. C’est à la société civile de harceler les dirigeants et les multinationales responsables. J’ai confiance en la jeunesse. Cette COP 21 est en train d’ouvrir les yeux des gens, les populations commencent à se soulever, cette prise de conscience redonne espoir. Les populations ont un rôle à jouer pour changer les comportements afin de vivre plus sereinement et de manière épanouie. »

Ces crimes contre l’environnement vont-ils un jour être reconnus ?

« Cela avance. Le 29 novembre dernier, Raoni, qui a créé l’Alliance des gardiens de Mère nature, et le mouvement citoyen End Ecocide on Earth composé de juristes en droit international ont remis au Secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon une demande pour faire reconnaître un 5e crime international contre la paix : les écocides. En octobre, cette proposition a également été faite à la présidente du tribunal pénal international qui doit en référer aux Etats parties. »

Publié par | Brian

Passionné de Nature et de paysages. Je sors tout les WE avec mon sac à dos dans mes Alpes que j'aime tant afin de prendre de magnifiques photos.